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Le moment perpétuel retrouvé de BBY
Il y a comme de l’ironie dans la démarche de BBY. Voire, comme une tranquille défiance à la frénésie technophile qui semble s’être emparée de la planète. Les sténopés de BBY sont comme un défi au temps. Mais de quel temps parlons-nous ? De prime abord, les choses pourraient sembler simples. Premier constat. Il y a d’abord l’outil technique. Le sténopé. Le bon gros Sténopé. Autant dire, la bonne grosse armoire normande de la technologie photographique. Un doigt d’honneur en forme de non-sens technique. Une bonne grosse armoire à glace avec un tout petit trou, pour laisser passer la lumière. Un temps d’exposition démentiel pour un résultat qui pourrait être aléatoire sans précisément la parfaite maîtrise technique de l’objet par BBY. BBY est un merveilleux faiseur, et de ce point de vue ses sténopés révèlent une première étrangeté. Comment un procédé si imparfait peut-il révéler des images si exemplaires sur le plan de la réalisation technique ? Il y a chez BBY une obsession de la méthode, qui semble s’accaparer des objets les plus improbables. Un peu comme si rien ne pouvait échapper à sa verve perfectionniste. BBY est un grand faiseur, mais est-il pour autant un grand artiste ? Autrement dit, quel sens donner à cette série présentée ici en Arles ? Comment s’inscrit-elle dans l’histoire de la photographie ? Deuxième constat. La temporalité portée sur les sujets semble s’être arrêtée. Les images photographiques de BBY s’inscrivent dans une narration qui n’a ni début, ni fin, ni prolongement. Cet aspect itératif n’est pas l’un des points les moins marquants. Observez Galinette. Ce n’est pas un être en devenir. C’est une présence qui s’inscrit dans l’aspect perpétuel du monde. Et c’est sans doute un des points les plus saillants de cette œuvre, le devenir n’est pas, car ici tout se répète comme le rythme frétillant des jours heureux. La tranquillité est-elle un concept qui s’appréhende dans son devenir ? La question n’a évidemment pas de sens. De même qu’il serait absurde de chercher dans l’œuvre de BBY les stigmates d’un refus de la modernité. Bien évidemment, on ne peut s’empêcher de comparer le travail de BBY avec celle, moins énigmatique d’Atget. Les sténopés chez Jean Eugène Atget sont le prétexte pour réunir une inépuisable documentation sur Paris. Comme chez BBY ses sujets sont vides. Refusant en son temps l’usage d’appareils plus modernes et plus légers, la vacuité des images d’Auget traduit une certaine inquiétude, une inquiétante étrangeté pour reprendre le mot de Freud. Rien de tel chez BBY. Atget est réaliste. BBY est expressionniste. Au fond c’est sa propre subjectivité que nous offre à voir BBY. Troisième constat. Tout dans la démarche de BBY renvoie à cette temporalité du désir d’être soi. Si on devait parler d’un mystère, c’est bien celui d’une subjectivité retrouvée. La saturation des couleurs est sans doute l’indication la plus éclatante. Dans notre perception sensorielle, tous les objets ne se valent pas. Nous choisissons ce que nous voulons voir, en fonction de nos propres cadres. Amenez un Amérindien dans le centre de Paris, il n’y verra que des rôtisseries. Mettez entre les mains et l’œil de BBY un sténopé et il s’empressera de montrer que la vitesse n’appartient pas à son moi profond, et qu’à « l’instant d’éternité de Doisneau » BBY préférera le « Moment perpétuel » d’un monde intérieur qui ne change pas. Depuis la nuit des temps, les hommes ont toujours misé sur la quête inassouvie de la vie bonne. Les Grecs en leur temps évoquaient la fameuse ataxie, qui rend les êtres béats de l’immersible volonté d’atteindre la vie bonne. Chaque image de BBY est une photographie de ce « moment perpétuel du bonheur ». Ainsi, la série des huit sténopés présentés en Arles est une chronique audacieuse de la mise en forme de son propre bonheur. C’est en ce sens que BBY est un grand artiste. Sous la forme anodine d’un quotidien oublié, la révélation artistique manifeste une forme sophistiquée d’un vécu accompli.
The GonZo Man
Supports
Tirages couleur sur papier argentique RC satiné à l’agrandisseur par
Picto Expo d’après film (E6 en C41) 6 x 6
Dimension du 60x60 au 30x30 cm
Finition : Encadrement bois noir sous verre plein cadre