Là où il faut
BBY sur InstagramLà où il faut
Pièce photographique en 3 actes
Acte I :Passage non obligé
Acte II : Jeux de scène
Acte III : Un temps pour tout
La vie comme une scène
Fonction de représentation
micro BIO
Supports dimensions
Lieu
Totoro
15 rue Jules Ferry
Ivry-sur-Seine
M° Pierre et Marie Curie L7
Les samedis 29 février, 07 et 14 mars 2020 de 16h à 22h
Totoro, cet espace singulier à Ivry, a rendu possible la rencontre de trois pans du travail de BBY. De ce dialogue inédit entre ses œuvres est née une pièce photographique en trois actes : Passage non obligé, Jeux de scène et Un temps pour tout.
Acte I : Passage non obligé, la halte du temps qui presse…
BBY serait-il un faiseur de temps ? Nous voici dans le premier acte, Passage non obligé, d’une pièce photographique qui en comporte trois. Un premier acte comme pour saluer l’entrée de l’artiste. La scène s’ouvre par un regard porté sur le regard. Une mise en abyme lancinante et ô combien évocatrice de l’art subtil de la mise en plis du temps !
Chez BBY, le temps est d’abord une halte. Le passage non obligé du temps c’est la halte. Il est ici entendu qu’à un moment donné, cela doit s’arrêter. Ce n’est pas qu’un temps de pose, ou un temps de pause, c’est une respiration, un regard vers une aspiration, une aspiration à autre chose, une chose aussi indicible qu’une halte. Le temps n’est pas qu’une transpiration. La chronologie enivrante du temps renvoie à une mythologie où Chronos dévore avec férocité ses enfants.
Mais, ici, à l’exact opposé se pose la question de ce temps qui prend le temps du temps, le temps qui passe, le temps de s’asseoir, de porter un regard tranquille sur une existence sereine et sans tourment. En un mot, qu’est-ce que ce passage qui ne s’oblige pas à se porter vers la frénésie enivrante de l’époque ? A Chronos, le dévoreur d’enfants, les Grecs avaient proposé la douce scholè, le temps non instrumentalisé, l’otium, vénéré par Montaigne. La scholè est un temps inutile, le temps de l’errance, du retour sur soi-même, de l’introspection, de l’examen minutieux des choses.
BBY est le photographe de la scholè, de l’otium, du passage non obligé vers un monde beaucoup trop rapide pour s’apprécier à la juste valeur de son exquise exaltation. Cette halte célébrée par la scholè demeure un puissant révélateur de ce qu’est en somme la condition humaine, dans son extrême humilité. L’humilité est parfois un pacte avec une vanité qui n’ose afficher ses oripeaux. L’humilité est aussi parfois signe d’un douloureux renoncement, une manière de ne plus paraître au monde. Rien de tout cela ici ! La scholè révèle une sorte d’humilité guerrière et apaisée. Une halte qui s’affiche comme une manière éhontée de s’affirmer dans le monde, dans la juste mesure de ce qui doit être, sans fioriture. Chez BBY, la halte devient l’énergie guerrière de la tranquillité, la puissance sereine d’une existence exempte de troubles et qui s’assume.
Par-delà les mots qui peuvent toujours travestir la réalité du monde, les images de BBY dessinent le portrait d’un monde porté par l’affirmation d’une attachante individualité. Car le temps renvoie à ce qui pourrait constituer le fondement même de l’être. La mélodie du temps se joue comme le rythme cardiaque d’une existence accomplie. En somme, chez BBY la halte résonne comme un tempo suffisamment abouti pour nous renvoyer à l’éternelle question du pourquoi de notre existence.
The GonZo Man
Acte II : Jeux de scène
Chez BBY, la photographie est un art de la tranquillité. Une douce
sérénité qui vous prend par la main, par les yeux, pour vous emmener aussi
loin que votre générosité peut en découvrir les horizons. Car, chez BBY,
il n’y a pas de limites, chaque chose s’esquisse en termes d’horizon.
Prenez l’acte II de Là où il faut, sa nouvelle exposition en
forme de pièce photographique : Jeux de scène. Voici un acte de
sept scènes, chacune marquée du sceau de l’uniforme.
L’uniforme n’est pas ici une limite imposée au corps. Il n’est pas
franchissement, mais affranchissement. L’uniforme est costume ou coutume.
On ne parle pas encore de transgression, encore moins de subversion.
La réflexion sur la temporalité revient ici comme un leitmotiv. Le temps se pose. Un souci de la pause qu’on retrouvera dans l’acte III, Un temps pour tout, consacré aux sténopés. Là, dans le doux écoulement du temps, c’est l’appareil qui prendra son temps.
Ici, dans Jeux de scène, par-delà le mouvement effervescent de
l’existence, l’acteur prend le temps de se poser. Mais ce n’est pas une
pause pour le photographe. Et c’est là que réside le génie de BBY, capter
non pas « l’instant d’éternité » cher à Doisneau, mais cette gestuelle
fugace qui s’exprime quand, de manière un peu triviale, on dit, parfois :
« Je m’en bats les couilles ».
Quelle est la nature ontologique de ce « Je m’en bats
les couilles » ? S’agit-il d’un entrelacs de résignation,
de lassitude ou encore d’un ultime sursaut de l’individualité dans un
monde formaté pour le groupe ? Pas le moins du monde. Les images de BBY
sont beaucoup trop subtiles pour en rester au constat de la résignation
fautive. Entre une forme soumise à la fatalité et la radicale subversion,
il existe une voie moyenne que les habitants de Marseille la Phocéenne
expriment par cette étrange formule, venue des profondeurs archéologiques
du grec ancien : « Il me branche à moi ! »
Entre la voix active et la voix passive, voici la voix moyenne
qui consiste à d’abord subir une action pour aussitôt refuser de la subir
tout en finissant par interagir avec elle.
Chaque scène de cet acte relève de cette cohérence. Avec Jeux de
scène, nous sommes ici dans une forme de radicalité apaisée, une
radicalité généreuse et inclusive.
Que nous dit alors BBY ? Qu’il existe un monde posé par les mille et un
artefacts de la société moderne. Que par delà ce qui existe, l’être, dans
sa chair, dans son individualité, n’est jamais tout à fait absent, même
s’il n’est jamais tout à fait présent. BBY saisit comme personne la voie
moyenne de l’existence, où le paraître n’a plus vraiment de place. Les
acteurs de Jeux de scène se drapent dans un quotidien parfois
morne. Mais le vide d’une existence ne se remplit pas par
l’institutionnalisation du monde. Ici apparaît, comme un jaillissement, un
fragment ultime de lumière, où l’individu peut encore exister dans la
radicalité apaisée de son être !
Dans le fond, BBY nous parle de conscience individuelle égarée dans une dimension totalitaire où le poids infini de la tristesse des choses agirait comme un accélérateur de vie. Nous ne sommes pas ici dans la subversion, mais bien dans un affranchissement, poussé comme un ultime cri au service de l’individualité.
The GonZo Man
Acte III : Un temps pour tout le moment perpétuel retrouvé
Il y a comme de l’ironie dans la démarche de BBY. Voire une tranquille
défiance à la frénésie technophile qui semble s’être emparée de la
planète. Les sténopés de BBY sont comme un défi au temps. Mais de quel
temps parlons-nous ?
De prime abord, les choses pourraient sembler simples.
Premier constat. Il y a d’abord l’outil technique. Le sténopé. Le bon
gros Sténopé. Autant dire, la bonne grosse armoire normande de la
technologie photographique. Un doigt d’honneur en forme de non-sens
technique. Une bonne grosse armoire à glace avec un tout petit trou, pour
laisser passer la lumière. Un temps d’exposition démentiel pour un
résultat qui pourrait être aléatoire sans précisément la parfaite maîtrise
technique de l’objet par BBY.
BBY est un merveilleux faiseur, et de ce point de vue ses sténopés
révèlent une première étrangeté. Comment un procédé si imparfait peut-il
révéler des images si exemplaires sur le plan de la réalisation
technique ? Il y a chez BBY une obsession de la méthode, qui semble
s’accaparer des objets les plus improbables. Un peu comme si rien ne
pouvait échapper à sa verve perfectionniste. BBY est un grand faiseur,
mais est-il pour autant un grand artiste ?
Autrement dit, quel sens donner à cet acte Un temps pour tout ?
Comment s’inscrit-il dans l’histoire de la photographie ?
Deuxième constat. La temporalité portée sur les sujets semble s’être
arrêtée. Les images photographiques de BBY s’inscrivent dans une narration
qui n’a ni début, ni fin, ni prolongement. Cet aspect itératif n’est pas
l’un des points les moins marquants. Observez Galinette. Ce
n’est pas un être en devenir. C’est une présence qui s’inscrit dans
l’aspect perpétuel du monde. Et c’est sans doute un des points les plus
saillants de cette œuvre : le devenir n’est pas, car ici tout se répète
comme le rythme frétillant des jours heureux. La tranquillité est-elle un
concept qui s’appréhende dans son devenir ? La question n’a évidemment pas
de sens. De même qu’il serait absurde de chercher dans l’œuvre de BBY les
stigmates d’un refus de la modernité.
Bien évidemment, on ne peut s’empêcher de comparer le travail de BBY avec
celui, moins énigmatique, d’Atget. Les sténopés chez Jean Eugène Atget
sont le prétexte pour réunir une inépuisable documentation sur Paris.
Comme chez BBY ses sujets sont vides. Refusant en son temps l’usage
d’appareils plus modernes et plus légers, la vacuité des images d’Atget
traduit une certaine inquiétude, une inquiétante étrangeté pour reprendre le mot de Freud. Rien de tel chez BBY. Atget est
réaliste. BBY est expressionniste. Au fond c’est sa propre subjectivité
que nous offre à voir BBY.
Troisième constat. Tout dans la démarche de BBY renvoie à cette temporalité du désir d’être soi. Si on devait parler d’un mystère, c’est bien celui d’une subjectivité retrouvée. La saturation des couleurs en est sans doute l’indication la plus éclatante. Dans notre perception sensorielle, tous les objets ne se valent pas. Nous choisissons ce que nous voulons voir, en fonction de nos propres cadres. Amenez un Amérindien dans le centre de Paris, il n’y verra que des rôtisseries. Mettez entre les mains et l’œil de BBY un sténopé, et il s’empressera de montrer que la vitesse n’appartient pas à son moi profond, et qu’à « l’instant d’éternité » de Doisneau BBY préférera le « moment perpétuel » d’un monde intérieur qui ne change pas. Depuis la nuit des temps, les hommes ont toujours misé sur la quête inassouvie de la vie bonne. Les Grecs en leur temps évoquaient la fameuse ataxie, qui rend les êtres béats de l’immersible volonté d’atteindre la vie bonne. Chaque image de BBY est une photographie de ce « moment perpétuel du bonheur ». Ainsi, cet acte qui propose huit sténopés, Un temps pour tout, apparaît comme une chronique audacieuse de la mise en forme de son propre bonheur. C’est en ce sens que BBY est un grand artiste. Sous la forme anodine d’un quotidien oublié, la révélation artistique manifeste une forme sophistiquée d’un vécu accompli.
The Gonzo Man
La vie comme une scène
Parfois le rideau se lève sur une scène vide, une scène sur laquelle un personnage seul s’agite ou ne fait rien. Ce tatoué cache une machinerie, à moins qu’il ne s’agisse d’une ombre de machination. L’oscillation entre l’immobilisme et le mouvement comme une incertitude sur la nature de l’univers immédiat nous interpelle. Où sont-ils ? braillent l’asphalte luisant, le sillage du cygne, le béton brillant. Pourquoi ? se demandent l’ours sur le carton, le chien dans les nuages. Qui sont-ils ? interrogent le panneau, les grains de sable, maudits bâtards ? Même pas certain.
On se prend à en vouloir à cet espace étroit, trop éphémère pour abriter ces questions sans réponses. Les réponses ? Elles seraient ailleurs dans une réalité en devenir, déterminées par d’inéluctables destins : pléonasmes illusoires. Plus qu’une suggestion, une conclusion personnelle du photographe ? Mon œil ! À chaque image, une lueur d’espoir transperce la surface d’un éclat d’humour silencieux comme un mégaphone bâillonné, impromptu comme un moustachu au pied d’un préfet, rageur comme une inscription qui veut abattre le système mais qui rallonge les échelles trop courtes. Ce n’est ni un coup de gueule, ni un manifeste, c’est une suite de pieds de nez que l’on imagine sans fin et c’est pour cela que nous en voulons encore !
L’origine, c’est la couleur et les sténopés, la frugalité du procédé, le moyen renversant de simplicité, l’étroite porte quasi proustienne ? Pas de mauvais esprit, s’il vous plaît ! La simplification est inéluctable comme résultat de l’optimisation poétique qui conduit à ne garder que l’essentiel. Ce n’est donc pas un retour arrière puisque c’est le résultat d’un parcours. La différence ? À l’origine on subit, alors qu’à la fin du compte, on trie, on sélectionne. C’est le contraire de la facilité parce que c’est le choix ultime de l’abandon de la condition, du réalisme, de la réalité, sans pour autant constituer l’échappatoire poétique puisque ce serait admettre que le reste ne l’est pas, poétique. Et ça, c’est hors de question. Alors quoi ? Les jardins secrets, ceux que l’on atteint grâce à la seule modification des états de conscience, le résultat de la quête ultime, ou juste le refus des complications.
Jules Donat
Fonction de représentation
La photographie et le théâtre se rejoignent dans la fonction de
représentation. Représenter donne la possibilité d’arrêter le temps sur
lui-même pour tenter de lui trouver sa signification. À nous de nous voir
dans ces miroirs en profitant de la distance que permet cette réflexion.
Le photographe dans cette pièce est l’opérateur, donc l’acteur, désigné
pour arrêter ces temps nécessaires. Il est l’auteur et le réalisateur. Il
y joue son rôle. Sa pièce est faite pour lui échapper comme une chanson.
On entend les chœurs qui racontent, on en garde un souvenir, on y reçoit
une leçon.
BBY a le premier rôle, il est le spectateur qui écrit la pièce. Il
répond à la question de Pirandello dans la pièce Six personnages en
quête d’auteur.
Là où il faut est une pièce classique en trois actes, d’orientation
métaphysique puisqu’elle arrête le temps et en fait un miroir.
Elle propose une unité d’action photographique, une unité de temps - le
temps lui-même, et une unité de lieu, celui de la nature naturelle et de
la nature sociale quand elles se rencontrent pour cacher du tragique sous
le comique.
Jieleff
BIO
BBY a étudié la photographie à
l’université de Marseille en 1990.
Il a travaillé en Presse quotidienne et institutionnelle.
Production photographique, graphisme et plastique.
Il est un créateur du festival photo d’Aubagne en 1992
Des expositions personnelles et collectives
Les 2 dernières expostions personnelles
2018 aux Voies off d’Arles
(Infinity).
2017 Paris (Passage non obligé)
Principaux travaux
A hauteur d’homme (1990- 1993) Photo de rues
Mineurs de charbon commande EDF (1993-1995)
Infinity (1995-1999) sténopés couleurs
La Fontaine sculpture sensorielle (2000-2004) Création plastique et
technologique
Intimité sociale (2006-2012) Photo, plastique et multimédia
Passage non obligé ( 2014-2015) carnet de route
Supports
Acte 1
7 tirages N&B sur papier barythé argentique d’après négatifs numériques
Dimension du 70 x105 cm au 30x45
Finition : collage sur Dibon
Acte 2
7 tirages NxB sur toile d’après négatifs argentiques et numériques
Dimension 120x180 au 80x120 cm
Acte 3
8 tirages couleur sur papier argentique RC satiné à l’agrandisseur par
Picto Expo d’après film (E6 en C41) 6 x 6
Dimension du 60x60 au 30x30 cm
Finition : Encadrement bois noir sous verre plein cadre